Contemporary Painter

About Karen: American Abstract Artist


—Essai de Ann Landi

 
 

Certains courants artistiques du XXe siècle se sont révélés, jusqu'à aujourd'hui, remarquablement fertiles et résilients pour les jeunes artistes. L'un d'eux est l'abstraction géométrique, initiée par les artistes constructivistes et du Bauhaus il y a près de 100 ans et développée par Piet Mondrian et Josef Albers, puis par les adeptes du minimalisme. L'autre est l'expressionnisme abstrait, cet élan spontané et souvent lyrique qui a marqué un style américain emblématique et la première grande rupture avec les traditions européennes à la fin des années 1940.

C'est à cette dernière tradition que s'inscrit l'artiste Karen Silve, basée à Portland, et ces deux dernières années, elle a trouvé un regain d'énergie et d'exubérance dans une approche que beaucoup auraient pu considérer comme dépassée. À l'instar de ses célèbres ancêtres – Willem de Kooning, Jackson Pollock et Joan Mitchell –, Silve s'appuie sur une certaine spontanéité, sur l'impact du geste immédiat, pour captiver le spectateur dans ses peintures. Pour paraphraser le grand critique de la New York School, Harold Rosenberg, « Ce qui se passe sur la toile n'est pas une image, mais un événement.» Chez Silve, il s'agit de se souvenir de paysages, de musique, ou même d'un ami particulier. Elle met tout son corps au service de la peinture, à la manière de Pollock, sentant l'énergie la parcourir et conférant à la peinture et à la toile une présence corporelle et un geste. Il est significatif que nombre de ses œuvres soient à échelle humaine – parfois à la même hauteur que le spectateur –, ce qui nous permet de nous identifier à ces œuvres avec notre propre corps et d'entrer dans le dialogue du peintre avec ses matériaux.

Silve a évoqué l'influence de la musique sur son travail et a d'ailleurs consacré par le passé une série aux musiciens, notamment aux violoncellistes, car c'est un instrument qui la touche profondément. Mais ce qui est plus important dans ses peintures les plus récentes, qui témoignent d'un immense bond en avant en matière d'assurance et d'innovation, c'est l'impact du paysage, qu'il s'agisse du paysage naturel époustouflant qui entoure sa maison (un véritable joyau pittoresque incluant le mont Hood et les gorges du Columbia) ; de la douceur de la Provence, où elle passe fréquemment quelques mois d'été ; ou de la luxuriance tropicale d'Hawaï, qui offre le spectacle du ciel, de l'eau et de la forêt tropicale. Elle a formé son œil grâce à la peinture en plein air, une pratique ancestrale établie par l'École de Barbizon et les artistes impressionnistes, et son travail en extérieur dans le paysage français lui a beaucoup appris sur la couleur et l'importance de son agencement par rapport aux autres teintes. Les choix de couleurs de Silve semblent en effet tous ancrés dans le monde naturel ; elle évite l'approche chromatique surchargée, basée sur des matériaux industriels et commerciaux, de nombre de ses pairs. Mais elle n'est pas insensible aux autres possibilités offertes par notre ère de haute technologie et utilise l'ordinateur comme une sorte d'outil de conception. Après avoir commencé une peinture, il lui arrive de prendre une photo et de l'introduire dans la machine. Les manipulations de la toile à l'écran lui donnent une idée de la direction à prendre ensuite ; c'est un processus comparable à celui consistant à retravailler un tableau en grattant le pigment ou en se tournant vers des croquis pour réaliser une composition finale (en y regardant de plus près, on peut discerner une fine grille qui l'aide à s'organiser et à assembler les éléments). Le miracle de ce processus est qu'il ne sacrifie pas la spontanéité : même si Silve passe des mois sur un tableau, son énergie semble toujours aussi vive que si elle avait été réalisée en un jour.

L'un des grands plaisirs de cette critique est de constater à la fois les liens entre l'art de Silve et l'art du passé – on y retrouve des échos de Monet et de Van Gogh, ainsi que de ses prédécesseurs plus immédiats – et de constater son évolution loin de la dépendance à un sujet reconnaissable. Elle semble s'orienter vers l'abstraction pure, et à ce stade, les possibilités semblent infinies.

Ann Landi

Journaliste indépendante, collaboratrice à la rédaction, ARTnews. Il a également publié des articles sur l'art et l'architecture, des critiques et des critiques dans Architectural Digest, The New York Times, Art & Antiques et d'autres publications.